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Portraits


Humanités numériques en dialogue


Florence Weber
Publication :
5/03/2018




Professeur des Universités en sociologie et anthropologie sociale à l’École normale supérieure
Responsable du projet ArchEthno2020
Enseignant-chercheur au Centre Maurice Halbwachs, UMR 8097, CNRS - ENS Paris


Quel est votre parcours scientifique et technique ? De mes études secondaires, avant et après un baccalauréat scientifique en 1974, j’ai gardé le souvenir de quelques découvertes marquantes : la théorie des ensembles (alors enseignée en classe de 6ème), le grec ancien (que j’ai étudié avec passion dès la 4ème et jusqu’au concours de l’École normale supérieure de jeunes filles), puis en khâgne classique la méthode historique et la cartographie (enseignées dans la spécialité "histoire") et la logique (enseignée dans la spécialité "philosophie"). Après mon entrée à l’École, j’ai suivi un double cursus philosophie-ethnologie avant de découvrir la sociologie et l’ethnographie et de passer l’agrégation de sciences économiques et sociales. Mon entrée à l’Institut national de la Recherche agronomique m’a donné l’occasion d’affirmer la spécificité des sciences sociales, anthropologie, sociologie et histoire, dans un dialogue souvent difficile avec l’économie mathématique et l’agronomie.
Quelle place occupent les humanités numériques dans votre travail au quotidien ? C’est en rédigeant, entre 2010 et 2015, une Brève histoire de l’anthropologie que j’ai découvert le luxe inouï d’avoir accès aux archives numériques de l’ethnographie, non seulement grâce aux bibliothèques et aux musées (ainsi, les documents des expéditions du XIXe siècle en Australie sont en ligne, après négociation avec les représentants des native people), mais aussi grâce aux descendants des premiers informateurs indigènes et aux militants pour les droits des native people. J’ai alors décidé de mettre en ligne des documents d’ethnographie contemporaine, en commençant par les enquêtes collectives auxquelles j’ai pris part depuis 20 ans. Il s’agit là d’une véritable révolution : l’ethnographie passe du régime aristocratique de la preuve (il faut faire confiance à l’ethnographe du fait de ses qualités personnelles) à un régime démocratique, qui pose de redoutables questions tant à la division du travail dans les équipes d’ethnographes qu’à la relation entre enquêteur et enquêté.
Comment imaginez-vous votre discipline dans dix ans ? Une fois recrutés comme chercheurs, les ethnographes professionnels – qu’ils soient anthropologues ou sociologues – alterneront entre des périodes d’ethnographie solitaire, lors desquelles leurs expériences de terrain leur permettront de construire des hypothèses sur les transformations sociales en cours, et des périodes de travail collectif, qui leur permettront de valider ou d’invalider ces hypothèses. Ils auront à leur disposition, pour les phases de l’enquête "en solitaire", des logiciels de classement de données qui les aideront à réfléchir "sur le terrain" plutôt qu’à accumuler des données. Dans les phases collectives, ils seront insérés dans des équipes où travailleront, sur un sujet défini en commun, des chercheurs d’autres disciplines selon les thématiques (économie, géographie, psychologie, santé publique, linguistique…), mais aussi un ingénieur statisticien, un ingénieur cartographe, un photographe, assistés d’une équipe de secrétariat-gestion-communication hors pair.


Projets en humanités numériques

10.57976/digithum.po.xs0z-ph09